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🔎 Lancia Delta HF

Veni, Vidi, Vici.

Dans le merveilleux univers des voitures fadasses, on trouve de temps en temps quelques perles rares à fort potentiel. C’est le cas de notre élue du jour, la Lancia Delta, production italienne des plus moyennes, pour paraître sympathique. Sauf qu’une fois passée dans les mains de la division sportive, la triste compacte piémontaise fit tomber les mâchoires au même rythme que les chronos. Pour cause, Lancia venait de construire un véritable monstre qui allait asseoir sa supériorité durant six années consécutives. Ouvrez grand vos yeux et respirez profondément, Octane 102 vous emmène à la découverte de la terrible Delta HF Intégrale

Lancia Delta HF Integrale Evoluzione²

1979. Génèse.

Nous voici donc en l’an 1979, du coté de Turin. Lancia dévoile sa nouvelle compacte à hayon, la Delta, dotée d’un moteur à arbre à cames en tête disposé transversalement. La voiture présente tout ce qu’il y a de plus classique pour son époque, avec des motorisations de 1116cm³, 1299cm³ et 1498cm³ ayant pour puissances respectives, 64cv, 75cv et 85cv. L’auto connait un vrai succès dès son lancement et séduit globalement en Europe, à tel point que Lancia décide d’étoffer son offre en 1982. La Delta GT accueille le bloc de la Ritmo 105 TC, un petit 1600cm³ double arbre à cames de huit soupapes débordant d’énergie. Il délivrera 105cv sur le train avant jusqu’à fin 1984, année où Lancia est contraint de  lui greffer l’injection électronique pour respecter les premières réglementations environnementales. La puissance de la Delta culmine alors à 108cv dans sa version atmosphérique GT i.e.


1983. Delta HF.

En complément de la Delta GT à carburateur, Lancia dévoile dès 1983 une autre Delta, équipée d’une version suralimentée du 1.6L. Gavée par un petit KKK, cette Delta HF est la plus puissante de la gamme avec ses 130cv. Contrairement à la GT, il faudra attendre 1986 pour son passage en injection électronique qui lui fera gagner 10cv. Elle sera renommée HF Turbo par la même occasion. Mais revenons en 1985, car à ce moment, Fiat (qui possède Lancia) , à d’autres projets qu’une simple injection pour l’avenir de la banale Delta. Et ce dernier va subitement prendre une toute autre tournure…


1985. Delta S4.

Spectre de la Stratos où envie irrépressible d’un retour gracieux après la déculottée de la 037 ? Nul ne saura jamais. Ce qu’on sait en revanche, c’est de quoi fût capable Lancia en 1985, à l’apogée du célèbre Groupe B et ses bolides à spéciales de rallye totalement insensés. À l’image de la 205 Turbo 16, le Turinois va amorcer un prototype complètement fou : Une Delta à transmission intégrale, animée par un explosif quatre en ligne de seize soupapes et 1800cm³ suralimenté. Mais suralimenté avec un S majuscule, comme pour Stradale. Car le système est révolutionnaire : il associe un compresseur volumétrique à un turbo. Le résultat est simple et sans appel : 483cv totalisés aux quatre coins ! Comme la réglementation du groupe B l’impose, Lancia produit et commercialise donc deux-cent exemplaires de sa Delta S4 pour le commun des mortels. Dégonflée à 250cv, excusez du peu, la S4 de route peine à se vendre. Il faudra attendre le macabre tour de Corse 1986 et le démantèlement brutal du légendaire Groupe B suite à l’accident de mortel de Toivonen pour que les 140 exemplaires de Delta S4 s’arrachent à la vente. Triste. Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, la nouvelle S4, nommée ECV1 et spécifiquement développée pour le Groupe S est fin prête. Elle développe plus de 600cv lorsque le couperet tombe : Succédant logiquement à l’arrêt du Groupe B, c’est le futur Groupe S qui est avorté. La Delta ECV1 ne prendra jamais le départ d’un rallye.


1986. Delta HF 4WD.

1986 voit la nouvelle Delta HF Turbo 4WD débarquer en concession. Les deux longerons avant sont reliés par le 2.0L de la Thema Turbo. Il s’agit d’un quatre en ligne suralimenté à double arbre à cames en tête de deux soupapes par cylindre. Le moulin est capable de transmettre 165cv aux quatre roues motrices permanentes. Détail amusant : un système permet d’engager un overboost de 30Nm lorsque le moteur est dans sa plage de température optimale. Dehors, la firme italienne à fait le choix de greffer les quatre phares ronds de la S4 en guise de signe distinctif. Comme c’est une deuxième génération, l’intérieur à lui aussi droit à une nouvelle planche de bord, nettement plus actuelle. Bien que concevoir une compacte à transmission totale soit un exploit en 1986, avec pour seule concurrence directe une Mazda 323 GTX 4×4, la Delta n’est pas la révolution tant attendue. Enfin pas encore. Car la véritable révolution, elle, est bien en marche et passe une nouvelle fois par la case rallye. Comme les Groupes B et S sont morts, Lancia vise l’intégration de la plus grosse catégorie restante, dixit le Groupe A pour poursuivre son aventure en compétition. Cependant il y a un petit détail chafouin : L’accès au groupe implique la production de cinq mille exemplaires de série. C’est donc en toute logique que l’entreprise va s’appuyer sur la HF Turbo 4WD, d’ores et déjà écoulée à près de deux mille cinq-cent pièces, pour entamer son projet de reconquête.


1987. Delta HF Integrale

Nous voici à présent en octobre 1987. Tel un séisme, la nouvelle Delta baptisée HF Integrale surgit en concession. Le succès de la HF 4WD, alors engagé en Groupe A profite grandement à élever l’image de la nouvelle arrivante. La voiture à muri esthétiquement et mécaniquement. Mais le plus flagrant reste son adéquation parfaite avec le rallye, milieu duquel elle est issue. Extérieurement déjà, avec l’élargissement outrancier de ses voies avant et arrière, permettant de loger de la « grosse monte » . Dorénavant chaussée par du 15 pouces, Lancia à pu installer des disques ventilés de taille supérieure, les étriers sont améliorés et associés à un mastervac de plus grande capacité. Le trains sont complètement revus avec un empattement élargi, suspensions, moyeux et biellettes renforcés.

Face avant de la Delta HF Integrale

Une fois à l’intérieur, la récente planche de bord de seconde génération dévoile une instrumentation très complète dont le tachymètre est maintenant gradué jusqu’à 240 km/h. Le cerceau tri-branches gainé de cuir à surpiqûres rouges où blanches est plus que satisfaisant pour l’époque. Niveau habitabilité ça coince un peu par contre. Il y a une gamme d’écart entre le niveau qu’on est en droit d’attendre d’une grande compacte (ou petite berline, nommez la comme vous le voulez) et le standing proposé à bord de la Delta. La position de conduite n’est pas des plus mauvaises, quoique elle se rapproche plus d’un Trafic amélioré que d’une Countach LP500 ! L’équipement en revanche est plutôt dans les standards avec, à la louche, la condamnation centralisée, les vitres électriques, un toit ouvrant (en option). Gros bémol pour la galette de secours qui ne dispose d’aucun espace de rangement dédié, et qui traîne dans le coffre en bouffant une belle partie du volume, déjà réduit par la transmission intégrale. En bref, on repassera…

C’est sur la mécanique que ça devient intéressant : Lancia a conservé le 2.0L DOHC à huit soupapes de la Delta HF 4WD, mais à enfin monté un vrai turbo en parfait accord avec le potentiel du bloc : le Garrett T3, référence indiscutable des années 1980 ! L’échangeur d’air devient plus efficace pour améliorer le remplissage. Enfin, l’overboost autorise maintenant une pression de 1 bar (contre 0.9 sur la 4WD). Résultat : 185cv des 5300rpm pour 298Nm (304 avec overboost) distribués aux 4 roues. La motricité est décalée de 1% vers l’arrière pour diminuer le sous-virage, avec une répartition de 53/47. Pendant ce temps, la 4WD Groupe A est en train de démonter le championnat avec sept victoires sur treize manches. La machine est lancée et la Delta Integrale Gr. A viendra directement concurrencer la 4WD dès l’année 1988, en vue d’un remplacement à l’horizon 1989.


1989. Delta HF Integrale 16v

Voilà maintenant plusieurs paragraphes que je noircis à conter l’historique d’une voiture qui fête ses dix ans. Mais surtout, plusieurs paragraphes à relater une évidence qui n’aura pas échappé à certains : pourquoi diable proposer un double arbre à cames en tête pour, au final, ne piloter que huit soupapes ?! Car en théorie tout est sous le nez de Lancia depuis sept ans avec l’émergence de la cousine Ritmo 105TC et de son bouillant DOHC. Et il y a encore plus étonnant : le 1995cm³ dit « Lampredi » (du nom de son concepteur) existe depuis 1966. Bien qu’en relativisant, il apparaît clair que le multi-soupapes était un apanage exclusivement réservé aux supercars de cette époque. Le Lampredi ne pouvait donc pas, en toute logique, être conçu spécifiquement dans cette optique. Mais qu’à cela ne tienne, vingt-trois ans plus tard, voici enfin venue l’heure de la consécration pour la Delta.

La célèbre Delta HF Integrale 16v

Son signe particulier : un bien traître capot, tapageur, bombé par une énorme excroissance qui peine à dissimuler la présence d’une nouvelle culasse à seize carabineros ! Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle va littéralement déglinguer tout ce qui se rapproche de près ou de loin : Golf Mk² Rallye, R21 Turbo, Audi Quattro T20, Celica Turbo… Toutes vont se faire rouler dessus par la petite italienne. Pour cause, avec ses deux rangées de huit soupapes, le 2.0L suralimenté par un nouveau modèle de Garrett T3 revendique 200cv accompagné d’un couple de 304 newton-mètres. On est déjà dans la fourchette haute là, voir très haute pour une berline compacte. En effet, sur le papier, seules les Audi et Toyota peuvent imaginer se frotter à la Lancia. Mais qui s’y frotte, s’y pique ! Car la répartition de la transmission a été inversée entre la 8v et la 16v. La ratio passe de 53/47 à 47/53 et croyez le ou non, une fois sur le tarmac, ce petit décalage de 6% vers l’arrière change absolument tout.

Le compteur de la Delta HFi 16v est revisité avec un compte-tour qui part vers le bas pour faciliter la lecture une fois dans les tours. Le tachy est aussi élargi et occupe les 3/4 de sa surface, indiquant le 240 km/h absolu tout en bas.

L’ancienne Delta HF Integrale 8v est réputée trop sous-vireuse, alors même qu’elle domine outrageusement le championnat comptant dix victoires sur onze 😮 . Mais en version 16v, elle devient un véritable bijou d’équilibre, une arme redoutable. La voiture passe fort partout, quelque soit les conditions, et c’est là, sur ce point précis, qu’elle va prendre une avance considérable sur toute la concurrence. Sur la route, il faudra attendre 1990 et l’arrivée de l’Audi S2 pour répondre frileusement à la Delta. Cette même année, la 16v intègre le Gr. A et va réquisitionner d’emblée la première place du classement. Première place qu’elle occupe depuis 1987 avec la Delta HF 4WD !


1991. Delta HF Integrale Evoluzione

Delta HFi « Evo » de 210cv

Sans réelle concurrence que la Celica GT-Four, notre bourrique piémontaise survole le championnat 1990. Lancia, insatiable,  poursuit son développement et continue d’améliorer son missile sol-sol en lui greffant des jantes plus larges qui contribuent à perfectionner un freinage déjà très abouti. Les ailes se contractent encore plus dans l’opération et l’assiette qui a été abaissée depuis la précédente version dévoile une musculature à faire pâlir une 348 GTS. Le discret liseré rouge de la calandre, qui marque l’appartenance à la famille HF est épaissit et renforce le sentiment de bestialité. Les traditionnels double-optiques de la face avant deviennent lenticulaires tandis qu’un becquet vient terminer la silhouette à l’arrière. Côté moteur, rien de nouveau mon capitaine. C’est juste le stagiaire du service informatique qui, entre deux cafés à patienter devant le fax, a fait une petite blague sur l’ordinateur du chef : 210cv à 5750rpm. La Delta HFi « Evo » comme on la surnomme, sera sur le piquet de départ du Championnat des rallyes 1992, où elle remportera encore la majorité des épreuves, finissant vingt-quatre points devant la nouvelle Celica Turbo. C’en est trop pour Lancia qui a bu la gloire jusqu’à plus soif. La firme décide de se retirer de la compétition après six ans de domination, estimant avoir prouvé sa suprématie.


1993. Delta HF Integrale Evoluzione²

Suivant son parcours en championnat, la Delta HFi « Evo² » de 1993 évolue finalement peu, Lancia ayant acté son retrait à la fin de la saison. 1993 c’est aussi la période qu’on aime appeler la « Grande Catalysation » chez Octane-102. A ce titre, l’Evo² reçoit une sonde lambda et l’étouffante gamelle qui va avec. Pourtant, le stagiaire de la machine à café* — encore lui ! — va de nouveau frapper : la gestion est remaniée et la puissance atteint 215cv avec un couple de 314Nm. Par contre il arrive hyper bas, dès 2500rpm, soit 1000 tours avant l’Evoluzione précédente. Alors autant vous dire que ça commence à déménager très très tôt ! C’est assez remarquable pour l’époque, sans turbo à géométrie variable, ni Twin Scroll. Malgré cela, Lancia ne s’investit plus du tout dans le développement de la Delta et les scores en championnat sont sans appel : La Delta tombe de son trône qu’elle occupe depuis 1987. Pire encore, elle s’écroule hors podium pour la première fois de la décennie. L’événement sonne la fin de la Lancia Delta qui sera remplacée la même année par la Delta 2 dont toute comparaison, même dans sa version la plus musclée, serait nulle et non avenue.

*Le stagiaire de la machine à café est un personnage fictif né de l’esprit tordu de l’auteur de cet article. Toute ressemblance, même lointaine, avec une personne réelle serait purement fortuite 🙂


Anecdotes

La griffe HF est l’acronyme de High-Fidelity. Il est fondé dans les années 1960 pour regrouper de façon très sélective les clients les plus assidus de Lancia. En 1965 il se transforme en division sportive officielle de Lancia. L’éléphant d’Asie qui orne le logo symbolise force et puissance. Sa trompe en avant est un signe de bénédiction dans les croyances orientales.

Les arbres à cames du moteur Lempredi sont contrarotatifs — Qu’est-ceuuu c’est comme gros mot ça encore ? — . Cette curiosité indique qu’ils tournent chacun dans le sens opposé à l’autre. Grâce à cette technique, les vibrations émanant du moteur s’annulent en procurant de manière bluffante la sensation de souplesse d’un six cylindres. Voilà. Merci.


Conclusion

Née sous une belle étoile, avec un développement linéaire mais pavé de justesse, la Delta HF finit par devenir explosive une fois à maturité. Son palmarès est effarant : sextuple championne du monde des rallyes et dix fois sur le podium, le record n’est toujours pas égalé en 2020. On en oublierai presque qu’elle a scellé le sort du Groupe B. Que sans son éléphant sur la calandre, elle redevient une compacte des plus moyennes. Tout cela ne lui enlève rien de l’aura qui la sublime, tant il suffit de s’attarder quelques secondes sur son impressionnante carrure pour comprendre que les palabres ne sont pas sa vocation première. Quoi qu’on en dise, la Delta HF est une prédatrice et indiscutablement la plus grande de son époque.

LeTorr.


Caractéristiques Techniques

Lancia Delta HFTypeCylindréePMaxCMaxVMax
TurboS4 DOHC 8v Turbo1585cm³ (1.6L)130cv191Nm195 km/h
Turbo i.eS4 DOHC 8v Turbo1585cm³ (1.6L)140cv206Nm203 km/h
4WDS4 DOHC 8v Turbo1995cm³ (2.0L)165cv284Nm211 km/h
IntegraleS4 DOHC 8v Turbo1995cm³ (2.0L)185cv304Nm215 km/h
Integrale 16vS4 DOHC T161995cm³ (2.0L)200cv304Nm220 km/h
EvoluzioneS4 DOHC T161995cm³ (2.0L)210cv304Nm220 km/h
Evoluzione²S4 DOHC T161995cm³ (2.0L)215cv314Nm220 km/h

*Hors Delta S4


Bac à photo

Par LeTorr

Passionné Nippones, Expert Renault spécialisé Youngtimers.

1 réponse sur « 🔎 Lancia Delta HF »

Bonjour, merci pour votre blog il est top et très complet !
Je cherche un becquet comme sur votre intégral evoluzione², auriez-vous une référence du produit ou une connaissance qui en vend un ?

Codialement,
Robin

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