Holy Daily
Les plus jeunes d’entre nous l’ignorent surement, mais il fût un temps où Ferrari ne concevait pas de supercars hurlantes qui se conduisaient bras ballant sur la portière. Il convenait de s’agripper au cerceau comme un sourd, doser avec parcimonie son point de patinage, avoir une foi inébranlable et un slip de rechange pour aller chercher sa baguette de pain le Dimanche matin. Une époque bénie pour certains, maudite pour d’autres, mais résilié par l’introduction de la Piccola Rossa : La F355.
>Story<
Tout commence au début des années 90s. Las de voir les Porsche aussi facile à vivre, et chamboulé par les percées fracassantes des grosses GT nippones, Ferrari commence à rougir pour de vrai. La firme va donc entreprendre un changement de trajectoire brutal, en concentrant ses efforts sur la maniabilité de ses futurs joujoux. Exit les séances d’haltères à manipuler le manche, même mamie pourra aller faire ses courses –izi– au volant de sa Féfé, et chaque jour s’il cela lui plaît. C’est ainsi que vont prendre vie, à deux ans d’intervalle, les F456 et F355. Aux commandes de la planche à dessin, on retrouve l’incontestable Maestro Pininfarina, qui renouvelle complètement le design de la marque, tout en parvenant à conserver l’identité historique de chacune des deux autos. Bien que la F456 soit une jolie création, c’est la F355 qui va enfoncer le clou. Toute première Ferrari de l’histoire à être orientée grand public, c’est aussi elle qui va doper les chiffres de ventes du Cavallino Rampante, sur le point de déposer le bilan.
>Extérieur<
Pour comprendre le travail réalisé par Maranello, il faut voir de quoi les ingés’ sont partis : La F355 hérite de l’image très écornée de sa devancière, la F348, cette voiture mal née, sortie dans la douleur, au lendemain de la disparition du Commandatore. Sans lui, Ferrari se plongeait dans un sac de nÅ“uds, avec une vision très hasardeuse du flop retentissant qu’elle allait subir. D’un autre coté, la F355 ne pouvait que difficilement faire pire, sinon volontairement ! Là où la F348 cherchait son identité, en copiant laborieusement les traits de la Testarossa, la F355 affiche des lignes très souples, qu’elle semble assumer avec dévotion. Les âpres stries latérales ont laissé place à d’énormes ouïes qui paraissent avoir été modelés par le vent. Les quatre feux arrières ronds signent leur grand retour, rappelant au monde entier que le Cheval Cabré se doit d’être libre, plutôt qu’enfermé par ces tristes grilles, dont l’obscurité renvoyait à la noirceur des dernières années – P’tain c’est émouvant ce que j’écris des fois ! – . Cette F355 sera la dernière Ferrari à lunette arrière verticale, appelé Flying Buttress. Finalement, c’est l’avant qui change le moins, avec un Flat Nose toujours aussi plongeant, mais grandement modernisé, et qui favorise toujours autant l’aéro.
>Intérieur<
Si l’extérieur s’est totalement affranchi de l’austérité des eighties, on ne peu pas en dire autant de l’habitacle. Bien sûr, si l’on s’amuse encore de la comparaison avec la 348, le standing à bien évolué, mais n’est pas encore au niveau de ce que l’on attend d’une GT de 1992. Les mauvais assemblages guettent l’œil même le moins averti, et les rossignols sont légion. La F355 souffre surtout de la catégorie tarifaire dans laquelle elle joue, et selon moi, une charrette à 70 briques et des bananes, n’a pas le droit de faire moins bien qu’une autre charrette qui ne coûte que les bananes, sans les 70 briques. Comprenez qu’une Golf 3 GTi à 120 000 frs d’époque était carrément mieux finie que la F355 à plus de 700 000 frs… Heureusement que l’emploi de matériaux à peu près nobles, à l’image des sièges habillés par Connolly, sauve légèrement la mise. Encore que certains boutons proviennent directement de chez Fiat !
En terme de confort, l’italienne nous gratifie enfin d’un autoradio et de la climatisation. L’instrumentation blanche sur fond noire est spartiate, mais diablement efficace. La redzone graduée de 8500 à 10000rpm et le tachymètre plafonnant à 320kmh, ne laissent que peu de doutes sur la cavalerie présente derrière le sièges. Des cadrans de pression d’huile et température moteur sont placés au beau milieu du compteur, pour pouvoir garder un Å“il dessus. Si ces informations sont très importantes pour la santé d’un moteur, elles le sont davantage pour une Ferrari dont la mécanique est réputé fragile. Pour finir sur une bonne note, le superbe volant à trois branche frappé du Cavalino Rampante coiffe le compteur, et se marie parfaitement avec la traditionnelle grille de vitesse en alu brossé. Cette dernière est surplombée du magistral manche, affichant pour la première fois 6 rapports dans une petite Ferrari.
>Moteur<
Plantons le décor tout de suite : Les types qui fabriquent ce genre de moteurs, sont les mêmes qui ont inventé la Formule 1. Autant dire que ça ne rigole pas au département recherche & développement. Les petits gars de chez Ferrari sont rodés à toutes les techniques, particulièrement quand il s’agit de mettre au point un 8 gamelles. Et c’est justement le sempiternel V8 maison qui trône dans les entrailles de la F355, sauf qu’il cube maintenant 3.5L. Grâce à deux nouveaux double arbre-à -cames que les sorciers de Maranello sont venus greffer sur chacune des culasses, chaque patte se trouve armée de 5 soupapes. C’est ce que la Scuderia à baptisé le Cinquovalvole.

Trois soupapes d’admission et deux d’échappement font littéralement hennir le bouilleur lorsqu’il est sollicité. Pour parfaire le tout, chaque puit est alimenté par un papillon qui lui est dédié, ce qui rend la sonorité encore plus envoutante. D’ailleurs, si l’on peu comparer un gros V8 américain à un concert des Gun’s Roses, celui de Ferrari est un véritable orchestre philharmonique à lui seul, avec toutes les nuances de sons possibles et imaginables qu’on est en droit d’attendre. Avec tout ce beau monde, le bestiaux ne développe pas moins de 380cv. Des vrais pur-sangs qu’il convient d’aller chercher haut, très très haut, à 8250rpm alors que les 360Nm de la valse italienne démarrent dès 5800rpm.

Le moteur propulse la Piccola Rossa à 298kmh et il lui faut moins de 24 secondes pour pulvériser le kilomètre, départ arrêté. Évidemment, tout le bloc est en aluminium et lubrifié par un carter sec. La F355 améliore même la récente implantation longitudinale, élément encore mal maîtrisé sur les précédents modèles, dont le manque de fiabilité avait grandement terni l’image de la F438. Ce coup-ci, Ferrari semble avoir tiré enseignement du passé, avec une robustesse revue à la hausse -légèrement hein !- mais qui ne dispense pas des exorbitants passages en concession !
Fiche technique complète
IDENTITÉ : | |
---|---|
Dénomination | F355 / 355 F1 |
Millésime | 1994-1999 |
Type Mine | ZFF PR- |
Fiscalité | 20cv |
---MOTEUR--- | |
Code | F129B |
Bloc | Alu |
Architecture | V8 2xDOHC |
Cylindrée | 3496cm³ (3.5L) |
Aspiration | Atmo |
Soupapes | 40v |
Implantation | Longitudinal central |
Gestion | Bosch M2.7 Bosch M5.2 |
AxC | 85,0 x 77,0 |
PMax | 380cv @8200rpm |
CMax | 360Nm @5800rpm |
RMax | 8250rpm |
---TRANSMISSION--- | |
Type | RWD |
Boite | F355 = BM6 355 F1 = BS6 type F1 Ã palettes |
---ROUES--- | |
Pneus | 225/40/ ZR18 265/40/ ZR18 |
Freins avant | Disques Ventilés 300mm |
Freins arrière | Disques Ventilés 305mm |
Aides | ABS |
---PERFS--- | |
VMax | 298 km/h |
0-100 km/h | 5.3" BM6 4.7" BS6 F1 |
80-120 km/h | 2.7" |
400m | 13"2 |
1000m | 23"7 |
Poids | 1350 kg |
RPP | 3.5 kg/cv |
RPL | 109 cv/L |
Conso Mixte | 15,2 l/100 |
Tarif neuf de base | 735 000 frs |
Cote 2018 | 50K€ |
>Châssis<
Le châssis de la F355 n’est pas encore le bijou tant attendu, mais certaines innovations vont se montrer très utiles. A commencer par un tout nouveau fond plat issu de la F1, que Ferrari est le premier à proposer sur une voiture de série. Il contribue fortement à la stabilité à très haute vitesse, et favorise l’aérodynamisme. Le train arrière est chaussée en 265/40/18, et permet de domestiquer en partie la fougue du Cavalino. Pour la rendre plus « Daily » , Maranello à intégré un système de suspat’ active, se résumant en deux modes : Normale et Sport. Le premier pour les courses de Mamie chez Carrefour, le second pour les courses du Fiston, à l’autodromo di Monza !

Toutefois, les reprises à bas régime, dignes d’un Kangoo cancéreux, ne présentent pas l’opportunité de mettre Bella en travers à chaque rond-point. Pour ça, il faut vraiment provoquer le Diablo Rosso, et l’emmener assez loin dans les tours. L’arrêt, assisté par un ABS, est officié par des disques ventilés de 300mm (avant) et 305mm (arrière) , mordus par des étriers à quatre pistons. Pour le reste du châssis, c’est tout comme d’hab : 100% tubulaire sur lequel on a posé une robe. Un petit détail amusant est que cette Ferrari est conçue de manière asymétrique : Ainsi, le pilote se trouve plus proche du pont central que son passager. Une fois sur la balance, la F355 revendique 1350kg, un poids qui parait dans les normes, pour un coupé 2 places de cette époque.
>Évolutions<
Au cours de ses 5 ans de production, la F355 va évoluer. Le premier changement intervient en 1995 avec l’arrivé d’une splendide version Spider, entièrement découvrable. En 1996, la norme Euro2 contraint Ferrari à changer son calculateur Bosch M2.7 pour un M5.2, lui faisant perdre officieusement 5cv dans l’opération. Dans la foulée, elle gagne un airbag passager et un conducteur, dont le dernier précipite la disparition du joli cerceau tri-branches, au profit d’un disgracieux et encombrant volant à quatre branches. L’ABS n’est plus déconnectable mais une option va ravir les amateurs de circuits : Le catalogue propose maintenant des sièges baquets en carbone, ultra légers, habillés de cuir… Pour la modique somme de 70000 frs, soit presque un dixième du prix de la bagnole ! Le grand chamboulement intervient en 1997 avec le débarquement de la boite séquentielle électro-hydraulique type F1 à 6 rapports. Avec elle, fini la grille de levier légendaire, place aux palettes derrière le volant et aux changements de vitesses ultra-rapides. Fini aussi la pression d’huile devant les yeux. Un indicateur digital de rapport engagé y a pris place. L’appellation officielle devient 355 F1.
>F355 Challenge<
En 1995, Ferrari lance le kit F355 Challenge et ses modifications piste. Chaque F355 y est éligible, mais on compte entre 100 et 300 préparations réalisées (Chiffres non-officiels). Esthétiquement, elle est équipé d’une grille arrière pour faciliter la respiration du bouilleur, les pare-chocs sont allégés au maximum et comportent des conduits destinés à refroidir les freins. De nouvelles jantes 18″ ultra légères en magnésium abritent les freins Brembo de la F40.
Des pneus slicks Pirelli sont montés aux quatre coins. A l’intérieur, arceau-cage, harnais et extincteurs rappellent que ce n’est pas la vitesse qui tue, mais les arrêts brutaux ! Une commande manuelle du ventilateur moteur est monté sur le tableau de bord et la voiture est complètement vidée. Coté mécanique, seul un embrayage special competizione et un échappement allegé change de la version civilisé. L’apport en puissance demeure minime. Ce kit est vendu pour permettre aux possesseurs de s’inscrire en Challenge Cup, le championnat maison de Ferrari.
>F355 Spider Fiorano<
En guise de pot de départ pour sa F355, le firme italienne s’offre une ultime version nommée Spider Fiorano. Limitée et numérotée à 100 exemplaires, elle est destiné au marché nord-américain. Elle reprend une partie des équipements performance de la F355 Challenge, tout en conservant ses aptitudes de Ferrari Daily. Elle arbore la grille arrière de la Challenge ainsi qu’un kit de gros freins percés et ventilés avec des plaquettes typées piste.

Une suspension spécifique remplace la suspat’ active, les voies sont élargies, les ressorts plus durs et la barre antiroulis s’épaissit. Des options comme des inserts carbone pour les palettes de volant, les seuils de porte, ou encore un revêtement en daim pour le volant sont disponibles. Trois exemplaires supplémentaires verront le jour pour l’Europe, plus un dernier pour l’Afrique du Sud, et ne seront jamais numérotés. La production totale de F355 Spider Fiorano est portée à 104.

>Généalogie<
La F355 fait partie de la lignée des « petites » Ferrari, ces coupés 2 places à moteur central arrière. C’est la 4ème génération de cette lignée, et même la 6ème si l’on compte les deux ancêtres badgées Dino dont elle est issue :
>Rivales directes<
>Conclusion<
La F355 n’est surement pas la préférée des Tifosi, et encore moins la meilleure Ferrari de l’histoire. Son habitacle démissionnaire pour un prix faramineux en est la preuve formelle. Cependant, Maranello sait encore frapper la où c’est utile. Rien que son V8 lyrical met tout le monde d’accord, et lorsque il s’agit de se pencher sur l’horlogerie, les specs techniques on de quoi faire frémir les plus belles GT du monde. Le travail fourni par Ferrari sur la maniabilité et l’accessibilité –excepté le tarif- est formidable. Si on rajoute que la F355 est la GT qui a sauvé le Cavalino Rampante du désastre financier, alors cette auto mérite bel et bien tout le respect des admirateurs de la marque, en dépit des nombreux défauts dont elle fait état.
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LeTorr.